vendredi 13 décembre 2013

→ PSYCHÉ - COMÉDIE FRANÇAISE

Je n'avais pas l'intention au départ d'aller voir Psyché. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, j'ai plus ou moins fait une overdose de Molière lors de ma scolarité. Bien que Molière soit un génie (on le dit et je le crois très volontiers), et que j'aime plusieurs de ses pièces, je ne suis pas sa plus grande admiratrice. Mais quelle erreur ça aurait été de ne pas découvrir Psyché !
Il faut absolument aller voir la mise en scène de Véronique Vella à la Comédie française. Jamais encore je n'ai vu quoi que ce soit de semblable… et sans doute ne reverrons-nous rien de tel ! En tout cas, pas de sitôt. La troupe des comédiens français délivre un spectacle hors norme, grandiose, en apparence éclectique, au final parfaitement équilibré.

Véronique Vella a fait précisément ce que j'aime dans le théâtre : elle a donné une identité à un texte. Sans le dénaturer bien au contraire, mais en le rendant, avec beaucoup de respect, plus parlant, plus vibrant, plus contemporain. Et surtout, en en apportant une lecture unique. Cette Psyché-là a du caractère

C’est visible, il y a dans cette mise en scène un projet artistique et sincère… j'admire cela ! Psyché n’est pas un ensemble d’un seul tenant, mais son unité parfaite naît progressivement tout au long du spectacle, d’un amoncellement d’une multitude de détails. Quel travail franchement ! J’ai été vraiment soufflée. Véronique Vella a créé tout un univers, pièce par pièce, à partir de morceaux de décors, de costumes, de personnages atypiques…

Peut-être est-ce assez courant de voyager de cette manière au cinéma. Mais au théâtre ? C’est la première fois que je vois la salle Richelieu disparaître dans ce nouveau monde, merveilleux, féérique, qui m’a paru tout droit sorti de l’univers des contes. On en prend plein les yeux. Les décors sont originaux, raffinés… éblouissants sans être envahissants ! Il y a là un sens du détail et une finesse rares.
Quelques détails suffisent à créer l’atmosphère. Une toile peinte suffit à figurer l’enfer, deux arches métalliques plongées dans la brume, et nous voilà dans le palais de l’Amour… Impressionnant. Un mot pour Anne Kessler d’ailleurs, qui est décidément une artiste précieuse. Après sa formidable mise en scène des Fleurs pour Algernon, voilà que je découvre ses toiles peintes. Magnifiques, aériennes, originales autant que délicates, j'ai été tout à fait conquise.

Je crois que rarement j’ai autant aimé les costumes d’un spectacle. Entre les lignes XVIIème siècle des costumes du roi, de Cléomène et Agénor ; les robes blanches antiques autant qu'intemporelles de Psyché, parcourues de dentelle ; les costumes très rétro (comment les dater, années 40 et 50 ?) des deux pianistes ; les chapeaux melons et imperméables qui m'ont rappelé Magritte ; et les robes vaporeuses et futuristes des deux sœurs de Psyché… quelle richesse ! Vraiment, cela mérite d’être souligné, tant on sent de travail derrière ces costumes. Un drôle de mélange a priori, mais un raffinement indéniable.

Restent les plus importants… les comédiens ! Rien à dire, ils sont incroyables. Je voudrais souligner une chose, qui m’a surprise parce que cette qualité est d’ordinaire plutôt caractéristique des comédiens anglo-saxons… J’ai littéralement adoré l’autodérision dont ils font preuve. J’ai beaucoup ri, et je sais que c’est grâce à cela.

Je ne suis pas sûre que ce soit Françoise Gillard qui m’ait le plus marquée, ni Benjamin Jungers (encore que… après l’avoir vu l’année dernière dans Existence d’Edward Bond, on peut être admiratif !). Je mentionnerais plutôt Coralie Zahonero (drôle, très drôle, mauvaise sœur de Psyché !), Sylvia Bergé (sa Vénus glamour, voluptueuse, pleine de rancœur et de haine, m’a fait penser à ces méchantes sorcières de certains Disney – je peux me permettre de citer Disney n’est-ce pas ? Puisque Véronique Vella cite Pixar. – Et quelle belle voix !), et Claude Mathieu (Zeus, une femme ? Mon scepticisme s’est plus que rapidement envolé).
Quand les comédiens ont commencé à chanter, j’ai failli sauter de mon siège en battant des mains (« mais ils savent tout faire ! »).  Ce n’est pas la première fois que j’assiste à une pièce où théâtre et chant sont mêlés… et j’adore ! L’Opéra de Quat’sous de Brecht, reste un de mes meilleurs souvenirs de la Comédie française. Faire appel à différent arts pour ne faire qu’une œuvre, hétéroclite, riche, a quelque chose de magique. La musique de Vincent Leterme est très réussie, là encore c’est un brillant mélange, inattendu, génial, dynamique, plein de caractère. 

Malheureusement, et j’en suis vraiment désolée, je ne crois pas avoir été aussi transportée qu’il m’arrive de l’être. J’ai beaucoup ri devant Psyché, et je reconnais la qualité indéniable de la pièce, l’habileté et la sincérité de la mise en scène, cette mise en commun exaltante de tous ces talents. Pourtant, je n’ai pas ressenti cet enthousiasme que j’attendais. Et je ne pense pas que ce soit la faute de qui que ce soit, sinon simplement une question de goût.

Si je suis férue d’univers inconnus, féériques, fantastiques, c’est le plus souvent dans les livres où mon imagination fait ce qu’elle veut, ou au cinéma lorsque les effets spéciaux sont au rendez-vous. Il y a dans les mondes merveilleux faits de bric et de broc une dimension qui me dérange, qui m’effraie, que je trouve presque hostile. Psyché m’a parfois fait penser à Peau d’âne de Jacques Demy… que je n’aime pas tellement. 

Et puis il y a ces personnages, qui sont presque des héros de conte. Je me souviens avoir étudié Amour et Psyché d’Apulée, en cours de latin. J’avais adoré ce livre, j'avais été troublée par la relation Vénus-Amour-Psyché. Mais dans la pièce de Molière, il m’a manqué de connaître ces personnages, de les comprendre, de deviner ce qu’ils pouvaient ressentir. Difficile de s’émouvoir pleinement pour Psyché, l’Amour, Vénus, Zeus… toutes ces entités divines, trop loin de moi. Il y a dans la pièce trop de pompe, de grandeur pour moi (à une scène près peut-être, que j’ai vraiment adorée… l’au-revoir désespéré du roi à sa fille, génial Laurent Natrella !).
Mes réserves ne tiennent qu’à ma sensibilité, j’en ai parfaitement conscience. Aussi, c’est avec beaucoup de vigueur que je vous encourage à aller découvrir Psyché.

Comment dire ? La pièce est tout ce qu’on aime trouver au théâtre, ce qu’on voudrait toujours trouver. Elle est un divertissement brillant, intelligent (n’est-ce pas l’essentiel ? N’était-ce pas exactement ce que voulait Molière ? Je crois qu’il serait fier !). Psyché est une pièce hors norme, in-montable... et pourtant montée ! Et brillamment encore ! En somme, c’est de l’art. Et je dis chapeau, parce qu’on ne voit pas ça tous les jours !

2 commentaires:

  1. Mon frère, qui a prévu d'aller le voir lors d'un prochain passage à Paris, semblait quelque peu inquiet à cause des critiques parfois frileuses qu'il a reçues... Je lui ferai lire ton article, il y a de quoi le rassurer !
    Cela dit, ça ne m'étonne pas que tu n'aies pas ressenti un "enthousiasme" hors norme. Le spectacle semble de toute évidence de très grande qualité, mais si la pièce n'est jamais montée, ce n'est peut-être pas pour rien... (Enfin, je dis ça, mais je ne la connais en fait pas)

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    1. Oui, c'est sans doute vraie. Ce n'est pas la pièce la plus jouée, et effectivement il y a sans doute des raisons. Mais tu pourras vraiment recommander la pièce à ton frère. Véronique Vella a vraiment créé une atmosphère, et donné du/son caractère à Psyché, et rien que pour voir ça, ça vaut la peine !

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